Introduction

Crisiologie

 «crise, solution. / art, poésie.»

un réseau / invitation / projet pour la crise, au-delà de la crise.

1. Interprétation, diagnostic

1.1 Nous vivons une «crisiologie» généralisée: au niveau mondial, quelques millions de pages écrites dans toutes les langues sont consacrées chaque année à la crise, pour essayer de l’analyser, établir des diagnostics et proposer des solutions – remèdes. Dans cette inflation des écrits, des actions et des cris, le «cas grec» a une présence permanente et continue. Un vaste spectre de discours et d’œuvres artistiques émerge à travers le monde pour exorciser, retracer, affronter, comprendre et peut-être remédier à la «crise».

1.2 Le terme «crise» (κρίσις) est lui-même la preuve d’une ironie culturelle: c’est la langue grecque qui nous fournit ce mot-clé permettant d’aborder la situation économique en Grèce, en Europe et dans le monde entier. Cependant, bien que nos outils pour concevoir la réalité proviennent souvent du grec, le mot «crise» (κρίσις) porte des sens multiples qui n’ont pas tous survécu dans le discours contemporain. Schématiquement, nous pouvons organiser ces sens autour de deux pôles: le premier montre qu’une condition normale, naturelle est perturbée et que par conséquent, il s’y installe un dysfonctionnement, un dérèglement. Nous pouvons recourir ici à la métaphore de la maladie et du corps en souffrance. Toutefois, un deuxième pôle accompagne le premier: le mot «crise» (κρίσις) signifie aussi l’étape indispensable qui mène à l’action (à l’activité humaine): avant d’agir, nous devons établir un diagnostic, évaluer nos options et nos alternatives, et choisir nos buts tout en prenant en considération les conséquences probables de nos actions, afin d’obtenir le meilleur résultat possible. Ce processus forme le deuxième sens du mot «crise» (κρίσις), à savoir celui de crise-examen critique. Ainsi, nous constatons, que les deux sens co-existent dans une situation de crise, permettant à la crise-perturbation (premier sens) d’être dépassée à travers une crise-examen critique (second sens). Pourtant, dans le monde actuel, ce sens a été délaissé car, comme il arrive souvent lors de la transcription des mots grecs et leur transformation en termes techniques ou scientifiques, c’est surtout le sens de la crise-perturbation qui est resté et a gagné de l’ampleur, sans référence à son autre dimension. De ce fait, nous avons le poids négatif et oppressif du terme «crise», sans la présence du coté «salutaire» de ce même terme. Il nous reste alors à revendiquer la réintegration de cet autre sens dans l’usage du mot «crise», et lui restituer son ambiguité et sa polysémie. Ceci pourrait nous éloigner d’un diagnostic unilateral qui par son imprécision intensifie l’infertilité, et nous offrir une approche critique face aux usages abusifs ou naïfs de la «crise» pour arriver à des approches plus fécondes.

2. Problématique – horizon de questionnements

2.1. La crise dans l’art correspond-elle à la version économique et financière de la crise ou encore à celle d’une crise culturelle ? La précède-t-elle ou en découle-t-elle ? L’art est-il capable de prédire ou de prévoir la crise mondiale ? Les différents domaines de l’art participent-ils au même degré aux remous de la crise ? Finalement, la crise de l’art ou l’art de la crise découvrent-ils ou dissimulent-ils le sens supposé de la crise ? Quelles actions artistiques pourraient aider les citoyens de notre monde internationalisé à construire les moyens de sortir de la crise ? Existe-t-il des solutions pour lesquelles l’art jouerait un rôle catalytique ? L’art a-t-il perdu son pouvoir d’intervenir à grande échelle ?

Toute réponse à ces questions ou à d’autres similaires porte le risque de méprise ou de contresens car la «crise» est très en vogue en ce moment sur le marché des mots et des récits. Nous courons le risque de considérer qu’il n’y a «un art de la période de la crise» et «un art de la période de la non-crise». Ce serait une faute de jugement de penser que le modèle de l’art ou sa substance puissent être modifiés au nom de la généralisation de la crise et de sa prédominance. Cependant, ne serait-ce pas également irréfléchi de penser que l’art ne défie pas la «crise» au niveau local et mondial ? Dans cet esprit, pour être utile et pertinent, l’«art de la crise» doit se positionner aussi bien dans le cadre de la pré-crise que celui de la post-crise. Il devient alors impératif, en vue d’une solution fournie par l’art, que l’on sollicite des contributions provenant de multiples domaines artistiques et différents pays. Le rassemblement de différents canaux et projets artistiques est une condition primordiale pour mener une action judicieuse et fournir un exemple «incitatif» pour éviter une «vie invivable» (du grec ancien «βίος αβίωτος»).

Appel à participation.